Proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite
Le 4 avril 2023, les députés ont adopté en seconde lecture la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite. Dans son article 4, qui tend à rendre plus efficace le processus judiciaire en matière de traitement des litiges locatifs, la proposition de la loi reprend une proposition de l’Unaf précisant que l’information sur la faculté de demander des délais de règlement soit bien transmise aux locataires intéressés sous la responsabilité des préfets de département, en lien avec l’accompagnement social des services du département. En effet, cet ajout est d’importance puisque seuls 60% des locataires se rendent actuellement à l’audience.
Le 29 mars 2023, les députés ont examiné en seconde lecture la proposition de loi dite Kasbarian.
Le vote solennel sur l’ensemble du texte est intervenu le 4 avril.
Par rapport au texte adopté par les sénateurs le 2 février sur lequel l’Unaf avait été entendue, il convient de noter les évolutions suivantes.
L’intervention de l’Unaf s’était concentrée sur le 2e volet de la proposition de loi visant à sécuriser les rapports locatifs.
Sur le premier volet de la proposition de loi pour mieux réprimer le squat :
- L’article 1er A crée un nouveau chapitre dans le code pénal, prévoyant d’une part que l’introduction et le maintien dans un local à usage d’habitation ou à usage économique à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, constitue un délit puni de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende. D’autre part, le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation, en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire, est puni de 7 500 euros d’amende.
Les députés ont ainsi maintenu la suppression de la peine de prison, décidée par les sénateurs, pour le second délit créé par cet article contribuant à une amélioration dans la proportionnalité des peines.
En séance, les députés ont précisé ce qu’il fallait entendre par local à usage économique en remplaçant le terme « économique » par « commercial, agricole ou professionnel »
- L’article 1er B a été adopté conforme par les deux assemblées. Il a été introduit par le Sénat. Il supprime la possibilité laissée au juge d’accorder des délais aux squatteurs dont l’expulsion a été judiciairement ordonnée.
- L’article 1er C a été supprimé de la proposition de loi. Cet article introduit au Sénat obligeait le préfet de département à appliquer une décision juridictionnelle d’expulsion dans un délai de sept jours.
- L’article 1er a été adopté conforme entre les deux assemblées dès le passage au Sénat. Cet article avait déjà été adopté dans le cadre de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique de 2021 mais avait été sanctionné par le Conseil constitutionnel comme cavalier législatif. Cet article fait passer la peine encourue d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en cas de violation de domicile.
- Les articles 1er bis A et 1er bis ont été adoptés conformes par les deux assemblées. Respectivement ces deux articles, pour l’un punit la publicité en faveur d’actions facilitant ou encourageant la violation de domicile, pour l’autre, triple la sanction pesant, dans le code pénal, sur les marchands de sommeil, ce qui la porte à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende.
- L’article 2 apporte des clarifications au régime juridique de la violation de domicile, en précisant que le domicile peut être qualifié comme tel qu’il soit habité ou non. Il modifie également la procédure prévue à l’article 38 de la loi Dalo, en prévoyant qu’elle peut concerner tout local à usage d’habitation.
Les députés ont restauré le délai d’instruction de la demande, par le préfet, de 48 heures. Ce délai avait été abaissé à 24 heures par les sénateurs. En séance publique, les députés ont adopté un amendement du rapporteur inscrivant dans la loi la prise en considération, par le préfet, de la situation personnelle et familiale de l’occupant dans l’instruction de la demande de mise en demeure.
- L’article 2 bis a été adopté conforme par les deux assemblées : il libère le propriétaire d’un bien immobilier de son obligation d’entretien du bien lorsque celui-ci est occupé sans droit ni titre, de façon que sa responsabilité ne puisse être engagée en cas de dommage résultant du défaut d’entretien.
- L’article 2 ter pérennise et sécurise le dispositif d’occupation temporaire de locaux vacants par des organismes publics ou associations agréées par l’État à des fins de logement, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social, en vue d’en assurer la protection et la préservation.
Cet article a été complété par les députés pour préciser que lorsque des personnes morales de droit privé bénéficient du dispositif mentionné au présent article, l’État vérifie régulièrement la conformité de sa mise en œuvre aux dispositions légales et réglementaires applicables. Il s’agit d’éviter le risque que des entreprises qui détournent ce dispositif de son but d’hébergement et d’accompagnement social, aux seules fins de profit et de spéculation.
Sur le deuxième volet de la proposition de loi pour sécuriser les rapports locatifs
- L’article 4 rend systématique la clause de résiliation du bail de plein droit et encadre la faculté du juge d’en suspendre les effets. Afin de tenir compte des débats intervenus au Sénat sur cet article, les députés ont rétabli la version de l’article adoptée à l’Assemblée nationale en première lecture, qui fait dépendre l’octroi de délais de règlement de la dette locative et la suspension concomitante de l’effet de la clause résolutoire d’une demande préalable formulée par le locataire.
Toutefois :
- le juge pourra contrôler d’office les éléments de la dette locative, afin de constater au plus juste la créance due, ainsi que la décence du logement ;
- le bailleur pourra demander l’octroi de délais de règlement de la dette locative, et le juge pourra le faire d’office lorsque le diagnostic social et financier (DSF) ou le fait que le locataire soit en situation de régler sa dette locative montre que de tels délais sont pertinents, du point de vue notamment de la capacité financière du locataire ;
- le bailleur pourra demander la suspension de l’effet de la clause résolutoire, ainsi que le locataire.
Il est à souligner que cet article reprend expressément une proposition de l’Unaf que « Le locataire est informé par le représentant de l’État dans le département de son droit de demander au juge de lui accorder des délais de paiement, prévu au V du présent article. »
- Les articles 5 et 6 ont été adoptés conformes par les deux assemblées.
L’article 5 accélère la procédure contentieuse du litige locatif. Dans ce sens, il réduit le délai minimal entre l’assignation et l’audience à 6 semaines, et réduit les délais renouvelables que peut accorder le juge de l’exécution au titre des difficultés de relogement à la suite de l’audience.
Cette réduction des délais s’accompagne toutefois de mesures pour prendre en compte les difficultés rencontrées par les locataires. Ainsi il est prévu de fixer le seuil de transmission des commandements de payer à la Ccapex à deux mois d’ancienneté d’impayé ou de montant de la dette locative, ce seuil étant estimé pertinent tant par l’Anil et que par la Dihal pour caractériser une situation sociale justifiant une prise en charge alors qu’aujourd’hui, selon les départements, le seuil retenu est compris entre trois et six mois.
Dès ce stade, la réalisation du diagnostic social et financier (DSF) doit être engagé pour être transmis à l’audience. Ainsi, non seulement les situations d’impayés seront traitées plus précocement (entre un et quatre mois plus tôt) mais aussi les services sociaux disposeront de trois mois au lieu de deux aujourd’hui pour réaliser le DSF ce qui devrait conduire à ce qu’un beaucoup plus grand nombre soit réalisé en vue de l’audience.
L’article 6 clarifie et harmonise les règles d’évaluation de l’indemnisation à laquelle ont droit les propriétaires lorsque le préfet leur refuse le concours de la force publique pour expulser un locataire défaillant à l’issue de la procédure judiciaire.
Sur le troisième volet visant à renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté
- Les articles 7 et 8 ont été adoptés conformes par les deux assemblées.
L’article 7 renforce le rôle central que jouent les Ccapex dans la prévention des expulsions locatives et dans la reprise du paiement du loyer, en définissant leurs missions, en leur donnant un pouvoir décisionnaire en matière de maintien ou non des aides personnelles au logement en cas d’impayés locatifs, ainsi qu’en renforçant la qualité de l’information dont elles disposent.
L’article 8 ouvre la possibilité pour la Ccapex et pour le préfet, aussi bien que pour le président du conseil départemental, de déclencher une mesure d’accompagnement social personnalisé du locataire lorsque les impayés résultent de difficultés de gestion.
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