Dix ans d’habitat au service du lien social : la résidence accueil d’Ollone

« C’est être soi-même que d’avoir un chez soi » : c’est avec ces mots que Frédéric, qui fait partie des 33 personnes accueillies dans la résidence accueil d’Ollone, résume son expérience. À l’occasion des dix ans de ce projet qui répond aux besoins des personnes présentant des troubles psychiques en proposant un logement autonome et durable, rencontre avec Corentin David, responsable du service logements adaptés de l’Udaf 49, et Nicole Le Corre, membre du bureau de l’Udaf 49 et de l’UNAFAM.

Nous fêtions les dix ans de la résidence accueil d’Ollone fin mai 2024. Comment présentez-vous le projet aujourd’hui ?

Corentin David : Nous sommes l’unique résidence accueil d’Angers. Il existe peu de dispositifs de logement accompagné pour des personnes en situation de handicap psychique, y compris au niveau départemental. La résidence est un acteur important sur ce volet, et dans la construction partenariale, notamment avec le CESAME (Centre de santé mentale angevin), l’UNAFAM (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques) et le bailleur social Podeliha.

Pour autant, nous le rappelons : la résidence accueil n’est pas une solution pour toutes et tous. Nous avons travaillé sur ce point pour positionner notre mission dans un contexte d’évolution des besoins sur le territoire. Elle répond à une nécessité – nous accueillons beaucoup de demandes pour entrer dans la résidence – et fait émerger des projets complémentaires. C’est notamment dans ce cadre que l’Udaf 49 et les partenaires ont porté le dispositif Écluse.

Nicole Le Corre : Des résidences de ce type il y en a très peu, et même trop peu. Je vous donne un chiffre relayé par l’UNAFAM : 30% des personnes ayant des troubles psychiques vivent dans leur famille. Ces personnes ne peuvent accéder à une solution adaptée, faute de solution. Des résidences comme celle-ci, il en faudrait d’autres.

Des résidences de ce type il y en a très peu, et même trop peu. Je vous donne un chiffre relayé par l’UNAFAM : 30% des personnes ayant des troubles psychiques vivent dans leur famille

L’UNAFAM figure parmi les partenaires historiques du projet. Quel est le rôle de l’association ?

Nicole Le Corre : Les liens entre l’Udaf et l’UNAFAM sont historiques. Lors des dix ans, j’étais accompagnée par une personne de notre association qui a posé la première pierre de l’établissement, conjointement avec la présidente de l’Udaf. Il y a bien longtemps que l’UNAFAM siège au conseil d’administration de l’Udaf et que l’association est partenaire d’un certain nombre de projets et de réalisations.

Nous sommes présents à tous les comités de pilotage et tous les comités de suivi, mais aussi aux moments festifs ! Notre objectif est d’avoir un regard vigilant sur les droits et le bien-être des résidents d’Ollone, en travaillant en bonne complémentarité avec les autres partenaires comme le CESAME, mais aussi l’ARS, dans les différents temps de la vie institutionnelle.

Corentin David : L’UNAFAM est un acteur essentiel pour faire évoluer nos pratiques, nos outils. L’association a été présente à tous nos comités de suivi sans exception depuis dix ans. Dès que nous avons des interrogations, ou qu’il y a de l’incompréhension de certaines familles – je pense aux candidatures pour la résidence – l’UNAFAM est une interface nécessaire avec les familles et notre association. 

Quelles sont les spécificités de la résidence accueil ?

Corentin David : Le choix a été fait de regrouper des personnes avec des pathologies similaires. Notre vécu montre que cela favorise la tolérance et la compréhension, l’entraide entre les résidentes et les résidents. L’intérêt, c’est de créer du lien social, de rompre l’isolement, d’être compris. Certaines personnes apprécient le fait de pouvoir partager leurs parcours en lien avec la psychiatrie, sans jugement et en confiance. 

Le choix a été fait de regrouper des personnes avec des pathologies similaires. Notre vécu montre que cela favorise la tolérance et la compréhension, l’entraide entre les résidentes et les résidents

Certaines personnes passent par de nombreuses étapes pour s’intégrer au collectif, un processus qui est loin d’être anodin. Ensuite, elles peuvent plus facilement aller vers l’extérieur. C’est là qu’il est également nécessaire d’insister sur cette ouverture : à la fois pour « l’ordinaire » – des sorties au cinéma, ou faire ses courses – mais aussi en développant du collectif, afin de créer de l’émulation vers de nouvelles possibilités. Aussi, la résidence accueil propose une alternative durable aux dispositifs de logements temporaires. Savoir que l’on dispose d’un « chez soi » sans avoir une date de sortie est un vrai soulagement. Pour autant, cette absence de contrainte de temps ne veut pas dire que les personnes accueillies ne partent pas vers d’autres projets de vie ! Simplement, la liberté de maîtriser son temps change le rapport au quotidien.

Comment avez-vous fêté les dix ans de la résidence accueil ?

Corentin David : Nous avons partagé nos dix ans en accueillant une centaine de personnes ! Nous avons proposé un après-midi festif avec notamment un groupe de musique en déambulation, une exposition photo réalisée par Marine Oger, photographe, présente avec les résidentes et les résidents et le public pour partager son expérience. Cette photographe est engagée dans son travail. Elle connaît le milieu des pensions de famille, là elle découvrait le milieu du handicap psychique. Elle a proposé de faire des portraits de toutes celles et tous ceux qui vivent ici dans leur environnement. Sa démarche a été très appréciée. 

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Nicole Le Corre : Cette exposition photo est remarquable. Je salue le fait que les résidents acceptent de poser dans le cadre de ce projet, et montrent leurs visages et leurs lieux de vie. Cette action est d’autant plus intéressante qu’elle va rester dans la résidence accueil, la démarche est valorisante pour le lieu et pour ses habitants. A l’UNAFAM, nous croyons à l’importance de mettre l’usager au centre de nos projets. Cette initiative va dans le sens de nos valeurs. 

Corentin David : Il me paraît important de signaler que des acteurs de notre réseau des pensions de famille et des résidences accueil sont venus à notre rencontre. Les liens fonctionnent, et nous apprenons des expériences de chacun. 

Pour nous, c’est fondamental : cela donne à voir notre quotidien, en témoignant de la confiance qu’il y a ici, entre l’équipe éducative et les personnes résidentes pour faire vivre le dispositif

Notre anniversaire a été l’occasion pour des partenaires et de potentiels bénéficiaires de venir visiter le lieu et de nous rencontrer. Nous avons créé du lien avec elles et eux dans un moment plus informel, afin de proposer des échanges avec les résidentes et les résidents. Pour nous, c’est fondamental : cela donne à voir notre quotidien, en témoignant de la confiance qu’il y a ici, entre l’équipe éducative et les personnes résidentes pour faire vivre le dispositif. Se dire que l’on ouvre la résidence le temps d’un après-midi à l’extérieur, pour celles et ceux qui le souhaitent, c’est important.

Nous évoquons les dix ans de la résidence accueil d’Ollone. Comment voyez-vous son avenir ?

Corentin David : De mon point de vue, je pense que la psychiatrie dans notre département prend un tournant depuis quelques années sur la réhabilitation psychosociale. Elle s’ouvre vers l’extérieur, avec un mouvement vers davantage d’ambulatoire, et une insertion renforcée des personnes dans la cité. Le partenariat entre nous sera nécessaire pour maintenir cette dynamique et être aux côtés des personnes qui ont besoin de ces résidences accueil. Par ailleurs, je pense qu’il est nécessaire d’innover vers une diversité de dispositifs de logements qui bénéficient aux publics que nous accueillons. Autre enjeu sur lequel nous développer, la pair aidance, pour amener et valoriser les expériences des résidentes et des résidents.

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